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dimanche 15 mars 2015

Il se sentait fragile, comme impuissant

Michel répondit. Elle entrouvrit la porte.
- Comment allez-vous ce matin ?
- Je crois que je ne peux pas bouger.
- Vraiment ?
- J’ai dormi, sans bouger, et puis ce matin en me réveillant j’ai senti que je ne pouvais plus bouger ma jambe.
- Voulez-vous que je vous aide à vous asseoir dans le lit, peut être que cela va réveiller l’énergie.
- Je ne sais pas, je me demande s’il ne faut pas appeler une ambulance, car cela n’a pas l’air de s’arranger. Il me faut sans doute un diagnostic précis.
- C’est comme vous voulez, mais cela me semble normal que le corps soit dans l’incapacité de bouger après votre chute et une nuit immobile. Il faut tout réveiller. Voulez-vous un thé en attendant ?
- Oui, merci.
- Il est prêt.
Sylvie revint avec un plateau de petit déjeuner. Corinne amena des coussins, et toutes deux tirèrent Michel pour l’asseoir sur le lit. Ce fut laborieux et non sans grimaces.
- Je peux mettre ma main sur votre genou, pour sentir ?
- Si vous voulez, mais allez-y doucement.
Elle posa sa main le plus délicatement possible. Il fallait créer le contact, laisser la main sentir, laisser les énergies passer. Au bout d’un moment elle sentit la chaleur, puis quelque chose de bloqué, de raide.
- Que sentez-vous ?
- Ca fait du bien, je sens que le genou et le haut de la cuisse se réveillent, mais je sens aussi la fragilité.
- Oui, il y a une fragilité.
Au bout d’un moment elle dit qu’elle pensait effectivement à faire faire un diagnostic.
Ils appelèrent les urgences pour demander une ambulance. On leur dit qu’elle serait là dans un peu moins d’une heure.
- Voici une drôle de journée de Noël ! dit Michel. Je suis désolé de perturber votre emploi du temps.
- Et nous, nous sommes désolées de vous voir ainsi ! Ne vous inquiétez pas pour nous. Voulez-vous que l’on prévienne quelqu’un ?
- Oui il faudrait joindre mes amis. Pour mes proches, j’attends encore un peu.
- Votre fils habite loin ?
- Oui, je l’appellerais plus tard, quand je saurais à quoi m’en tenir.
- L’hôpital est à quarante kilomètres environ, je veux bien vous accompagner afin de savoir ce qu'il en est, et on avisera ensuite.
Michel ne répondit pas, il était touché, il était à la merci de tout ce qui se présentait. Il se sentait fragile dans son corps, comme impuissant, et il sentait bien que quitter sa maison, ou celles de ses amies, pour une chambre d’hôpital, le jour de Noël qui plus est, était une aventure dont il se serait bien passé. Hormis la question de la gravité de son état, c’était la découverte tout d’un coup de la dépendance. Ce n’était pas son habitude.
Sylvie comprit que sa non réponse était un questionnement intérieur pour lui.
- Je ne vais pas laisser tomber quelqu’un qui me tient la porte d’un magasin, dit-elle en riant.
- Qui aurait pu imaginer ?
- Sinon on passe cet après-midi.
- Je ne sais vraiment pas quoi dire…
- Je prends ça pour un oui. Avez-vous besoin de prendre quelque chose avec vous ?
- Un livre ou deux pour passer le temps.
- Je vous en choisis, ou voulez-vous que j’aille en chercher chez vous ?
- Je vous fais confiance.

Bientôt l’ambulance arriva. Les deux hommes s’occupèrent de Michel, habitués qu’ils étaient à porter secours en toute circonstance. Il fallut juste passer la civière par la fenêtre, car c’était moins douloureux pour lui de rester en position étendue. Michel découvrit ce que c’était d’être porté, étendu, complètement passif. Il n’y avait rien d’autre à faire que de laisser faire justement. Quelque chose s’éteignait.
- Vous nous tenez au courant et on passe cet après-midi, d’accord ?
- Entendu.
Et l’ambulance démarra.

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