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mercredi 25 mars 2015

Condamné à dire oui à l'aide


Sylvie et Corinne étaient en voiture, tranquilles. Elles avaient parlé déjà ce matin de ce qui venait de se passer, de cette histoire à rebondissements, de cette soirée si particulière où elles avaient quasiment sauvé Michel qui aurait été bien mal en point si elles n’avaient pas fini par le trouver près du feu dans la forêt. Il y a trois jours elles ne le connaissaient pas, ou si peu pour Corinne, et aujourd’hui elles allaient le retrouver dans une chambre anodine d’un hôpital…

Il y a des jours où l’on sait quoi faire mais où l’envie n’est pas là, et puis il y a des jours, plus rares sans doute, où l’on ne sait rien de rien mais où l’envie de vivre cet inconnu est plus fort que tout, comme si on désirait plonger soi même dans cet océan de nouveautés dont le fond nous parait lumineux, comme si une étincelle secrète de notre pauvre vie venait d’être allumée par des instances mystérieuses mais rassurantes. Une confiance libérante s’installe alors en nous, et malgré nous. Un plus fort que nous, où notre petit moi se sent pris par la main. Une énergie nouvelle s’empare de notre vie, sans que nous fassions le moindre effort. Dans cette dynamique il y a une tranquillité, une curiosité du vivant, presque une joie profonde.

Les champs, les villages, cet espèce de grand ouvert synonyme de liberté, puis la ville et ses panneaux, ses feux, ses mirages, cet espace de conformisme indispensable et réconfortant pour tant de monde. Peu de circulation, heureusement, se dirent-elles. Il restait à trouver l’hôpital, cette maison de l’hospitalité, dont le sens s’est perdu progressivement, pour devenir une sorte de laboratoire de la conservation ou de la guérison. L’accueil, les explications, les escaliers, les couloirs, les infirmières, les lits, l’ambiance d’un autre monde entre la vie et la mort ou croiser des regards nous renvoie presque à une forme de malaise comme s’il était inscrit sur les murs.
Heureusement elle n’allait pas voir une personne en fin de vie…
Elles frappèrent à la porte, entendirent un « oui, entrez », et virent Michel sur le lit, souriant.
- Comment vous sentez-vous ?
- Hier soir, c’était l’inconscience de mon état, et la joie de m’en être sorti, là maintenant, je sais que cela va être long de récupérer, et si je me sens tiré d’affaire, j’ai du mal à me laisser aller.
- Vous avez mal ?
- Pas vraiment, je me sens un peu ankylosé, une partie de l’énergie de mon corps est momentanément absente. C’est curieux, cette absence prend une certaine place en fait, car elle est inhabituelle.
- Vous en savez plus que ce matin au téléphone ?
- Non. Il faut du repos, ne pas bouger. Peut être pourrais-je sortir dans deux ou trois jours, avec des béquilles bien sûr !
- Vous pensez vraiment que ce sera possible ?
- Pourquoi pas, l’autre jambe tient. Il ne faudra pas que je bouge de trop.
- On verra le moment venu, mais je suis à côté et pourrais venir vous aider.
- Oui, merci Corinne. Je sens bien que je suis condamné à dire oui à l’aide qui se propose dorénavant, enfin pas trop longtemps j’espère…
- C’est un apprentissage comme un autre, dit Sylvie.
- Un peu de gâteau en attendant ?
- Avec plaisir.

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