Membres

dimanche 25 janvier 2015

Que c'est dur d'être simple!

- J’ai glissé d’un rocher, je suis mal tombé, mon genou a pris un coup et j’ai mal au dos. Je ne peux pas m’appuyer sur ma jambe gauche. J’ai du ramper sur les fesses pour arriver ici et allumer du feu.
- Et vous n’aviez pas pris votre portable ?
- Non, je suis un sauvage qui compte sur sa bonne étoile !
- C’est quand même une sécurité aujourd’hui.
- Je n’ai pas l’impression que l’on était en insécurité avant.
- On va vous aider à marcher jusqu’à la voiture. Vous allez tenir ou il faut aller chercher de l’aide ?
- En m’appuyant sur vous et ma jambe valide, cela devrait aller. Il faut éteindre le feu.
Après avoir sécurisé le feu autant que possible, elles aidèrent Michel à se mettre debout. Il grimaça, mais se laissa faire. Chacune d’un côté, lui au milieu, les bras sur leurs épaules, ils marchèrent doucement jusqu’à la voiture. Il monta tant bien que mal devant. Tout s’était ralenti. Jusqu’à présent il s’était pris en charge, et cela avait fonctionné. Maintenant c’était elles qui se chargeaient de lui. Cela ne lui était pas arrivé depuis si longtemps d’être aidé à ce point, d’être dépendant en fait. Mais il était trop fatigué pour penser. Il se laissait aller.
Après avoir fait demi-tour, ce qui ne fut pas chose facile, entre les arbres et le manque de visibilité, ils prirent la direction de la maison.

- Que fait-on ? Comment vous sentez-vous ? On va vers la ville chercher un hôpital, on téléphone, on attend demain ?
- Je pense que cela devrait aller. Une nuit de repos et je verrais demain.
- Vous n’avez rien de cassé ?
- Non, je ne crois pas.
- Vous allez dormir à la maison, on ne peut pas vous laisser tout seul, vous êtes incapable de quoique ce soit.
- Je me sens comme un enfant qui a fait une bêtise, et n’ose plus rien faire. Je suis gêné.
- Qu’est-ce qui est le plus confortable : d’être gêné, ou de passer la nuit dehors ?
- ...
- On va s’occuper de vous.
- Vous m’avez tirée d’affaire avec la voiture, c’est à notre tour, sauf que c’est un peu plus grave.
- Il est plus facile d’aider que d’être aidé ! dit Michel.
- Tout est à vivre, non ?
- La vie nous laisse-t-elle le choix ?
Ils arrivèrent devant la maison de Michel. Il demanda que l’on ferme les volets, indiqua pour prendre des vêtements secs et chauds. Quelques minutes après, ils arrivèrent chez Corinne.
Il se laissa aider pour sortir et conduire à l’intérieur. Elles lui proposèrent un fauteuil, et s’occupèrent d’un repas chaud.

Il commença vraiment à lâcher intérieurement. Il était à l’abri, au chaud, entre des mains aidantes, et en bonne compagnie. Comme la vie est surprenante, se dit-il, combien la vie peut changer en quelques heures ! Qui eut pu imaginer cela encore hier matin ?
- Je crois que j’ai une pommade naturelle pour les chocs, je vais vous en donner.
- Oh merci, oui cela me fera du bien.
- Vous voulez un thé ou une tisane, en attendant le repas, ou une rasade de rhum peut être ? ajouta-t-elle en rigolant.
- Si vous avez du citron et du miel ce sera parfait.
- Je vous fais ça.

Quelques instants plus tard, Sylvie lui apporta une tasse bien chaude, la posa à côté de lui avec le citron et le miel. Il sentit tout d’un coup une autre femme, ou plutôt tout le côté maternel d’une femme. A moins que ce soit moi qui revit une impression d’enfance, pensa-t-il. A la fois c’était bon, doux, et en même temps, l’adulte en lui réagissait encore à se laisser faire. Que c’est dur d’être simple quand il n’y a rien d’autre à faire que de se laisser faire justement ! La solitude l’avait-il durci ? Manquait-il de pratique avec les humains finalement ? Il se laissait aller à tout ce qu’il ressentait. Juste laisser faire, au diable la tête. C'était la leçon du moment. Peut-être la grande leçon en vérité...

Aucun commentaire: