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vendredi 2 janvier 2015

L'ennui fait partie de la vie

- Vous m’avez ouvert la porte du magasin, mais vous m’en ouvrez d’autres on dirait.
Michel sourit.
- Bon, je vais au village. J’espère que je tiendrai jusqu’à ce soir.
Ils y arrivèrent un quart d’heure plus tard. Il y avait quelques commerces, suffisamment pour éviter aux habitants de se déplacer trop souvent à la ville. Une ambiance calme, l’église au centre rappelait l’importance qu’avait eu la religion dans l’histoire du pays. Y a t-il un village sans église ? Une petite place avec la poste et un café.
- Je vous attends au café, dit Sylvie.
Un moment plus tard les voilà autour d’une table autour d’un chocolat chaud.
- Cela me rappelle hier, dit Michel. Je vous avais vu au salon de thé, et cela m’amusait déjà de vous retrouver là alors que nous nous étions croisé à la papeterie.
- Je ne crois pas que je vous avais reconnu. J’étais pensive.
- Oui, ça se voyait.
- J’ai vécu il y a quelques mois une épreuve. Corinne m’a invité quelques jours chez elle pour les fêtes afin de me changer les idées. Hier j’étais encore dans l’idée de mener ma vie en faisant quelques achats, mais dans le salon de thé je sentais que je rentrais dans un monde inconnu, inhabituel, et que je pouvais lâcher un peu pour me laisser porter. J’étais dans un entre deux. Et puis en arrivant chez elle, ne la voyant pas, plutôt que d’attendre, j’ai voulu aller faire un tour. C’est là que j’ai planté la voiture et que vous m’avez trouvée. J’étais en colère contre moi. Je suis habituée à faire ce que je veux. Tout d’un coup, je me retrouvais dans un lieu absolument étranger, en panne, comme une idiote. Puis vous êtes arrivé…
- Je peux dire que je fus plus qu’étonné en vous découvrant.
- Et maintenant je me questionne sur tout ça. Je suis chez une amie, on se rencontre, ce que vous dites me bouscule un peu, mais m’intéresse en même temps.
- Vous savez, c’est tout aussi inhabituel pour moi. Je vis seul avec mes propres habitudes, et en quelques heures il me semble bien que la vie s’amuse un peu avec mon train-train quotidien.
- Il y a longtemps que vous vivez seul, si je ne suis pas trop indiscrète ?
- Sept ans.
- Ha oui vous l’aviez dit hier soir.
- J’ai dit que j’habitais ici depuis sept ans.
- Mais vous voyez des amis quand même ?
- Cela m’arrive, mais pas tant que ça. Je rencontre des gens dans des associations auxquelles je participe, et puis je voyage.
- Vous ne vous ennuyez pas ?
- Si bien sûr, cela arrive de temps en temps. Mais cela serait la même chose en ville ou ailleurs. L’ennui fait partie de la vie. C’est difficile d’être toujours comblé, surtout quand rien ne se passe. C’est un travail en quelque sorte, un apprentissage.
- La solitude me ferait peur.
- C’est normal. Qui peut se passer des autres ? Chacun a des demandes différentes. Il faut connaître les siennes, les évaluer. Trouver l’équilibre entre ses demandes et ce que la vie offre n’est pas chose facile. Cela prend du temps. Le temps du recul est une richesse méconnue.
- Vous avez trouvé l’équilibre, on dirait.
- Par moments oui, à d’autres c’est fragile. Mais je sens que je respecte ce que je connais de moi-même. Je fais de plus en plus confiance à vrai dire.
- J’aime cette phrase sur le respect de soi même.
- Oui, cela peut sembler égoïste à première vue, mais c’est pourtant une base. On ne peut pas être vrai avec les autres si on ne l’est pas d’abord avec soi-même.
- Ce n’est pas sans risque non plus, cela peut fermer la porte à certaines personnes, non ?
- Oui, mais doit-on vivre par conformisme, qui cache souvent une peur, ou être authentique ? Si nous sommes trop dans la dépendance des autres, ou même de l’autre, nous finissons par nous étouffer.
- Le sujet est sensible, très sensible même.
- Oui, mais essentiel.
- Mon Dieu, il est midi et demi !
- Téléphonez à Corinne peut être.
- Oui, je vais la rassurer.
- Vous voulez que l’on prenne un taxi ?
- Un taxi ? Il y en a ici ?
- Non je ne pense pas, on va demander.
- Mais Corinne peut venir nous chercher au fait !
- Comme vous le sentez.
Sylvie appela son amie qui ne répondit pas. Elle laissa un message.
- Ecoutez, on y va à pied, cette halte m’a ragaillardie. Je me sens d’attaque.
- Comme vous voulez.

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