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jeudi 18 décembre 2014

Un résumé d'éternité

Il s’était rendu à la ville proche pour y faire quelques courses. Noël arrivait, et il avait coutume d’acheter de quoi confectionner des petits cadeaux pour quelques amis, en particulier ses amis lointains qu’il ne voyait pas souvent.  La vie peut nous rendre seul géographiquement, et distribuer ceux que l’on aime aux quatre coins du territoire. Il se disait que les gens les plus importants à ses yeux, ou plutôt à son cœur, étaient rarement les plus proches. Oh bien sûr il connaissait quelques personnes dans les environs, mais avec qui il ne pouvait partager dans  la même simplicité, la même intimité, que ces amis auxquels il pensait. Cela n’en rendait les retrouvailles que plus intenses. Serait-ce la même chose s’ils étaient plus proches, si les rencontres étaient régulières ? Sans doute que non. L’intensité serait-elle dans la rareté ? C’est bien possible se disait-il…
L’intensité est un pic, comme un orage qui ne saurait durer, n’est-ce pas ce que dit le Tao ? Peut-on vivre longtemps intensément, y a-t-il de telles personnes sur terre ? Est-ce un don ?


Tout à ses pensées, il arriva à la papeterie où il savait trouver une bonne partie de ses achats.
En ouvrant la porte, une femme sortait juste, les mains encombrées de diverses poches. Il la laissa passer tout en la regardant. Elle le remercia, franchit la porte et disparut sur le trottoir, tandis que lui pénétrait dans le magasin. Il sortit sa liste et commença à regarder un peu partout, curieux de tout ce que l’homme était capable d’inventer rien qu’avec du papier ou du carton. Il avait quelques idées en tête, mais aimait se laisser guider par son intuition du moment, rester ouvert aux messages secrets de la vie. Chaque année il y avait des nouveautés, même si certains articles semblaient impérissables tant ils réunissaient de qualités d’authenticité, de bon gout, d’esthétique, comme un sommet inébranlable. Dans les nouveautés il y avait des créations originales d’artistes qui détournaient le but premier de la matière pour en faire une sorte de sculpture inutile, mais résumant en un geste la relation de complicité entre l’homme et l’arbre. Une suggestion à l’imaginaire, un rappel à l’inutile, un objet de contemplation. C’était ce qu’il aimait trouver dans un cadeau : un résumé d’éternité.

Ses courses faites et posées dans sa voiture,  il alla prendre un chocolat chaud dans un salon de thé. Il trouva une place de façon à avoir une vue suffisante vers l’extérieur. C’est amusant cette manière que l’on a souvent de regarder depuis un lieu inhabituel cet environnement qui n’est pas le notre. Petit à petit le regard s’approprie la proximité comme s’il y avait un besoin de surveiller ou d’être rassuré sur ce qui vient se frotter à notre propre bulle. Déjà le choix de l’emplacement tenait compte d’un espace susceptible de détente potentielle. Cela se faisait automatiquement pour Michel. Une sorte de radar de la profondeur se mettait en route automatiquement dans ces cas là.

Quelques minutes plus tard, une fois servi, il tourna la tête vers l’intérieur du salon, et aperçut la femme à qui il avait tenu la porte pour sortir de la papeterie.

1 commentaire:

Oliver a dit…

Un exemple de ce qui peut arriver lorsqu'on laisse le Tao guider sa vie...
merci yannick