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vendredi 19 décembre 2014

Le temps que l'on ne voit pas


Il fut pris par la curiosité. Son regard se tourna franchement vers elle. C’est toujours amusant de retrouver une personne que l’on a croisé quelque temps plus tôt. Cela n’a pas forcément de sens, on peut très bien recroiser quelqu’un ne serait-ce qu’en faisant des courses, mais c’est dans le même lieu. Là il y avait changement de lieu. Il se retourna vers la rue. Il sentit au fond de lui comme un désir de lier connaissance, mais sans raison particulière, comme par jeu. Il avait passé l’âge de forcer les rencontres, même si quelque chose de subtil se passait là dans l’air qu’il captait. Il se retourna de nouveau, la femme s’était levée et se préparait à partir. Au moment où elle arriva près de la table où il se tenait, leurs regards se croisèrent très finement sans se poser vraiment. L’un comme l’autre se sentit regardé sans qu’ils puissent définir exactement ce qui s’était passé. Elle franchit la porte et sortit avec ses paquets. Il la suivit des yeux. Elle disparut.

Il resta quelque temps, finit son chocolat et sortit faire une autre course. En marchant il passa devant une librairie, et s’arrêta. Il n’avait rien à acheter, mais son regard fut happé par le titre d’un livre : «  Le temps que l’on ne voit pas ». Du coup il entra et demanda le livre pour y jeter un œil. C’était le premier livre d’un auteur inconnu, ancien mathématicien, qui changea de vie suite à un accident, et découvrit que la vie ne peut se résumer en équations. Il expliquait comment la non maîtrise peut permettre d’attirer des choses essentielles pour mieux comprendre la vie. Quelques phrases suffirent à le décider à acheter le livre.

- Voilà une bénédiction pour un esprit trop cartésien, se dit-il. Il devait quand même avoir une certaine ouverture d’esprit pour ce changement. Comment se fait-il que la vie propose à certaines personnes un accident pour les faire réfléchir un peu, voire même changer leur vie ? Il était curieux de ce que pouvait en dire un homme de formation scientifique.

Une heure plus tard il regagna sa voiture et prit la route de campagne qui le menait chez lui. Il habitait près d’un hameau situé sur une colline. Avant ce hameau il y avait un croisement, où il bifurqua. Le chemin conduisait à quelques maisons dont la sienne.
C’est là qu’il vit une voiture arrêtée. Anormalement arrêtée, se dit-il. En s’approchant il vit une personne en train de téléphoner. C’était la femme aux paquets qu’il avait croisé deux fois cet après-midi.

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