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samedi 27 décembre 2014

C'est juste la vie qui propose les situations

On entendait le vent, entendaient-elles les coups ? Il redonna quelques coups sur la porte, qui finit par s’ouvrir. C’était Madame Dustan.
- Hé bien quelle surprise, que se passe-t-il ?
- C’est juste la panne d’électricité, je me demandais si vous n’aviez pas besoin d’aide, si vous aviez du chauffage…
- Rentrez, rentrez…
Elles avaient mis des bougeoirs par ci, par là, ce qui donnait une ambiance féérique à la maison qu’il découvrait. Sylvie était debout devant la table de la cuisine et le couvert était mis.
- Regarde Sylvie, la tempête nous amène quelqu’un !
- On parlait de vous justement, décidément…
- La panne risque de durer toute la nuit, comment cela se passe-t-il pour vous ?
- J’ai quelques bougies d’avance car j’en avais acheté pour Noël. Nous n’avons pas encore eu le temps d’allumer la cheminée. Nous allions passer à table, voulez-vous rester ?
- Vous avez le gaz, au moins ça marche. Non je ne reste pas, je venais juste m’assurer que vous vous en sortiez. Le téléphone est aussi coupé.
- Moi qui suis habituée à la ville, c’est un peu l’aventure ici ; en même temps c’est tellement nouveau que cela n’en est que plus vivant, dit Sylvie.
- Oui, je comprends. On semble encore plus coupé du monde, mais cela nous relie peut être plus à nous même, vous ne croyez pas ?
- Je me sens plus relié aux autres qu’à moi-même à vrai dire !
Michel sentit que Sylvie lui tendait une perche, elle avait raison, mais était-ce du même lien qu’il s’agissait ? Il répondit toutefois.
- Qui sait si le dépouillement ne relie pas plus les hommes?
- Vous en êtes la preuve, Monsieur Villetain ! dit Madame Dustan.
- Appelez-moi Michel, on va faire simple.
- Et moi Corinne.
- Oui, les circonstances nous révèlent en quelque sorte.
- Michel, il reste de la soupe, à vous d’être simple. Je vous mets une assiette, d’accord ?
- Bon alors j’allume le feu, j’adore ça. Dites-moi où est le bois ?
- Il est dehors, je vais vous montrer.
Dix minutes plus tard, le feu crépitait, et ils mangeaient tous trois une soupe bien chaude.

- Ce qui me semble tout à fait étonnant dit Sylvie, c’est que la pièce que je répète actuellement parle de solidarité. Aujourd’hui la même personne m’a ouvert une porte d’un magasin, m’a aidé à sortir ma voiture du fossé et vient frapper ce soir pour savoir si tout va bien… Vous êtes un homme retiré et disponible on dirait.
- A vrai dire, c’est juste la vie qui propose les situations, je n’ai rien recherché, mais je réponds, oui, comment pourrais-je faire autrement ?
- Là ce soir, vous êtes venu, quand même. C’est bien une démarche de votre part, non ?
- Oui, mais je me suis demandé si je devais venir ou pas. J’essaie de sentir ce qui est le plus juste autant que possible, lorsque je dois décider de quelque chose.
- Qu’est-ce qui a fait pencher la balance, si je ne suis pas trop indiscrète ?
- Dépasser le risque d’être pris pour quelqu’un qui en fait trop… A vrai dire je pensais à nos rencontres de la journée, et au vu de la panne de courant, je me sentais encore plus relié à vous alors que l’on ne se connaît pas. Soit je restais avec ça en tête, soit j’agissais pour m’en libérer.
- C’est amusant, c’est comme si la technologie qui nous met en rapport avec le monde entier, amoindrit notre potentiel de liens subtils qui sont le propre de l’humain.
- Oui, j’ai tendance à croire cela en fait. La simplicité réunit, la pauvreté appelle le réconfort, tandis que trop de confort est un risque vers l’égoïsme. La crise actuelle est la porte vers la solidarité.
- Je suis en plein dans la pièce.
- C’est une pièce qui va se jouer quand ? Je serais curieux de la voir, dit Michel.
- Nous la jouerons après Pâques. Nous sommes tous amateurs, sauf le metteur en scène.

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