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mercredi 20 novembre 2013

Le garagiste de Dieu

Entretemps j’avais eu un appel du garagiste pour rapatrier la voiture. Son garage est à 15 km de Florence et l’on doit s’y retrouver à 10 H. Chiara me laisse à une gare assez proche sur la direction. Elle est prise tout le dimanche  et rentrera tard, elle ne pourra me loger. Quelque temps après j’ai Giannozzo au téléphone. Il peut m’accueillir. Pour moi cela devient presque incroyable. Je ne l’avais pas vu depuis si longtemps, bien qu’étant repassé sur les lieux où l’on avait vécu il y pas mal d’années, et c’est un accident mécanique qui me fait le retrouver. Comme quoi, la vie est si mystérieuse, je m’en étonne toujours.

Le fait de vivre ces enchainements d’évènements complètement imprévus et indépendants de ma volonté me renvoie à cette notion d’abandon. Me posant des questions sur le pourquoi de ce qui se passe depuis hier, j’y vois une confirmation de ce que je pressens. Il y a toute une part de la vie où l’on gère ce que l’on a à faire, avec la responsabilité qui nous incombe, mais il y a une autre part où l’on ne maîtrise absolument rien, où l’on est mené, conduit, dépendant en tout cas, et qui est une forme d’apprentissage au lâcher prise, en tout cas une opportunité. Ces moments sont peut être plus importants dans la subtilité de ce que l’on peut y vivre que tous les autres.

Je me retire dans un petit jardin, en attendant l’heure du rendez-vous. Je me sens envahi d’une profonde sérénité, au-delà de toute contingence…
Je repense au songe de Saint François où il lui est proposé des trésors en remplacement du Royaume des cieux, et à son renoncement à tout cet or. O oui, rien ne peut remplacer cela.
Oui à tout ce qui arrive, y compris les ennuis de voiture ou les pertes d’argent. Ce que j’ai vécu, et ce que je vis là, tout de suite, lorsque j’écris ces mots sur mon carnet, est en dehors d’un prix quelconque.
Etre dans la vulnérabilité de l’inconnu et garder confiance, offrir sa pauvreté…
Cette fragilité soudaine de la vie qui semble trébucher, c’est le contact avec cette insécurité que l’on ne peut éviter. Elle nous révèle à notre vérité de l’instant, afin de nous faire découvrir l’humilité, cette petitesse nécessaire pour fréquenter la simplicité. Y a-t-il un autre moyen ? C’est dans le bas terrestre que l’âme peut s’élever. Le Très Bas comme dit si bien Christian Bobin en parlant de François.
Quand on commence à sentir la confiance paisible qui est là quoiqu’il arrive, alors plus rien n’a d’importance. Le vivant à l’œuvre en nous est une nourriture silencieuse qui se suffit à elle-même. Les demandes meurent d’elles-mêmes aux portes de ce temple. Il n’y a rien à changer à ce qui arrive. Quoiqu’il arrive, rien ne manque. L’esprit tranquille.

A cet instant où j’écris, une ambulance passe avec son bruit strident reconnaissable. Cela apparait dans le silence ineffable et disparait. Rien n’est troublé car rien ne peut troubler ce qui n’est pas de ce monde. L’au-delà de tout non affecté. Alors si les apparentes difficultés étaient nécessaires pour en arriver là ! Il n’y a rien à changer, rien à regretter. Tout est parfait.
 

Le jour suivant dans l’escalier qui monte au Duomo, mes yeux s’arrêtent sur une phrase écrite sur le mur : « Give more than you get and be blessed ».

Qui a besoin d’être soigné? La voiture ou le bonhomme?

1 commentaire:

soisic a dit…

L' opportunité du lâcher prise... Merci Yannick