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dimanche 10 novembre 2013

Dans une chambre d'hôpital

Près de deux heures de route pour aller voir mon père à l'hôpital. Depuis plus de deux mois, son visage a bien changé pour devenir maigre, pâle, et il y a huit jours j'ai vraiment senti la mort proche.
J'apprivoise ce qui se passe, là devant mes yeux, en moi à l'intérieur, face à la vie, ce grand mystère.
Cette semaine les choses s'aggravant, je reprends la route m'attendant à arriver peut être trop tard. Imaginer le pire, mais qu'est-ce que le pire sinon un jugement, est une façon de se préparer à ce possible, puisque tout est possible par principe. Rester dans le rassurant du non changeant peut sembler confortant pour qui a peur de l'inconnu, mais c'est à un moment ou à un autre être confronté brutalement à ce que l'on ne voulait pas voir. La mort est très intéressante à vivre pour se situer face à cet inéluctable.

Sa chambre se situe au bout du couloir. La première fois, par les portes entrouvertes, j'ai pu voir un certain nombre de visages d'un autre monde. Des visages de fin d'automne, de remontées d'images concentrationnaires, de décharnement, de fragilité indicible, de regards absents... Je me demandais comment faisaient les infirmières et autres médecins dans cet univers si particulier.
A notre époque la plupart des gens meurent à l'hôpital disait Bernard Giraudeau.
C'est un navire immobile pour une dernière croisière.

Il était là, sur son lit, à moitié endormi. Je lui dis bonjour, l'embrasse, il ouvre les yeux, me regarde.
Je reste proche, le touche. Il ne parle plus, juste les lèvres qui bougent à peine, mais les yeux font parfois un signe. Un signe d'impuissance. La mort c'est affronter son impuissance totale.
Je vis des choses particulières que je garde pour moi.
Peut être est-ce la dernière fois que je le vois, je ne sais pas. C'est toujours la première fois, c'est toujours la dernière fois.
Je parle avec l'infirmière dans le couloir. Puis je reviens et reste un peu avec ses yeux fermés et sa respiration, seul élément de vie. Ma main sur sa tête...

Je repars. Alors que je finis de traverser le couloir, le téléphone sonne m'annonçant un SMS.
Je l'ouvre et regarde.
Une amie que je n'ai pas vue depuis une douzaine d'années, je ne m'en souviens plus, me dit que son père vient de mourir et qu'ils vont vendre la maison, si je connais quelqu'un, etc...
Encore cette incroyable synchronicité, me dis-je. Une apparition complètement inattendue, impensable, au moment juste, à propos de la mort....
Un signe, une forme d'entraide, un soutien, un message... Peu importe.
La vie ne s'arrête pas. Rester ouvert, toujours et partout.

6 commentaires:

Anonyme a dit…

"Rester ouvert, toujours et partout"
C.est être en présence avec soi et offrir à celui en fin de vie notre présence'. Celle qui va rejoindre la sienne, sa présence plus immobile, ses mots plus rares voire absents et pourtant cette présence si intense à travers le toucher, le silence, les mots pour qu'il sache que la vie est toujours là en lui, que le lien est bien vivant. Notre présence à la sienne, comme un cadeau de la vie.
Veronique

Acouphene a dit…

Nous restons avec toi en contact avec le fil de la vie...

soisic a dit…

mon amitié Yannick...

Yannick a dit…

Merci pour votre attention.

philippe a dit…

Oui,c'est un moment intense comme je l'ai vécu avec mon père sur les derniers mois de sa vie.
Avec toi Yannick.

Yannick a dit…

Merci Philippe.