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samedi 15 septembre 2012

la voie alpine


Ce qui m'a tout de suite touché sur ce chemin, c'est la force de la nature, une rencontre avec le vierge, le non abîmé, le total inhabituel. Le fait de très vite s'élever, de s'éloigner de la foule vacancière, d'avoir des points de vue extraordinaires sur la montagne et la mer, de sentir l'inaccessible horizon et sa propre petitesse, tout cela joue à notre insu sur des parties subtiles de l'être.

La deuxième journée fait passer par le col de Bavella, ce qui veut dire retrouver des randonneurs à la journée, des voitures, des restaurants ou bars d'altitude. J'étais déjà venu marcher là il y a une quinzaine d'années en famille. Cela m'a fait tout drôle de retrouver ce monde après seulement un jour et demi de marche. C'est justement cet éloignement de tout qui ne peut être parcouru qu'à pied, cette forme de perdition dans cette nature sauvage, et l'union autant qu'elle m'est possible avec le chemin de l'instant.
Arrêt dans un coin tranquille près d'une source d'eau pure indiquée sur le guide, juste avant le parking du col.
Je me rafraîchis, puis fais un thé. Je retrouve le couple de la gazelle.

Juste après ce col, il y a deux chemins possibles : la voie alpine, plus difficile comme son nom le laisse supposer, mais plus courte en temps, et la voie tranquille essentiellement en forêt, qui prend environ 2 heures de plus. Chez moi, lorsque je préparais le voyage et lisais tout ce que je pouvais trouver, j'imaginais  avaler les chemins les plus durs, et faire les sommets avoisinants! Sur le terrain, c'est une autre réalité! La seule réalité à vrai dire. Dans l'état où j'étais, il semblait plus sage de prendre la voie longue mais plus tranquille.
L'image, vue du col, c'est une montagne escarpée, sur laquelle on ne voit aucun chemin (photo ci-dessus), et surtout je me demande comment il pourrait y en avoir un. Je vais même voir des gens qui sont encordés et font de l'alpinisme... C'est s'engager sur cet inconnu si vertical pour mon inexpérience, ou contourner le massif.
Au début le chemin est commun. En quelques minutes je me retrouve au pied des premiers enrochements. Me suis-je trompé? Je fais demi-tour, regarde, cherche un autre chemin, des personnes. Je ne vois rien. N'ayant pas envie de retourner au col, pourtant proche, je m'engage sur la voie dite alpine sans savoir encore que c'est vraiment elle.

Gros rochers, petits rochers, pierres partout, terre rare, racines apparentes.... Ca monte, ça monte, ça monte. En levant le nez, je me demande où est le chemin plus haut car rien ne permet de le déceler bien souvent. Mais qui a pu avoir l'idée de passer par là et d'en faire un passage?
Il fait chaud, le sac est lourd, et les jambes fatiguent. Je vais doucement, et assure chaque pas pour ne pas glisser ou chuter. Les bâtons m'aident énormément. C'est vraiment une découverte, j'en suis très content. Les jeunes me dépassent, mais ils me semblent tous plus jeunes!
Je m'arrête parfois pour boire, mais peu en vérité. D'abord il faut qu'il y ait de l'ombre, ensuite un rocher assez gros pour poser mon sac sans me fatiguer, enfin je me donne des paliers à atteindre, les plus loin possibles en fait. Plus on s'arrête, plus le risque est grand de perdre son énergie, et d'avoir plus de mal à reprendre.
Petit à petit, le sommet, où ce que je peux prendre pour tel au départ, s'approche. En effet, la montagne oblige à des contournements qui font prendre un sommet visible pour le but, alors que cela cache un autre versant plus éloigné.
Une fois là haut, un autre univers apparaît. Je regarde le chemin parcouru. Comment peut-on descendre ce que je viens de monter? Cela semble encore plus périlleux.
Je me trouve un endroit sur l'autre face, à l'ombre, et fais la pause repas.
Le col de Bavella, si proche à vol d'oiseau, me semble à mille lieues. Devant moi, un espace nouveau...


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