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mardi 21 février 2012

Viser l'horizon

Pour traverser l'Atlantique au plus court, il faut partir de Dakar et filer vers la Guyane. Cela fait un peu plus de 2 000 miles nautiques soit presque 4 000 km. C'est pas rien! C'est là que se passent les défis les plus fous.
En ce moment c'est le grand déferlement.
Il y a une course de bateaux ... à la rame!
Il y a eu quelques rameurs célèbres comme Gérard d'Aboville qui traversa l'Atlantique nord (5 200 km) il y a 30 ans sur une coque de 5,60 m en 71 jours des USA vers la France. Le premier. Dix ans plus tard il remet ça, mais à travers le Pacifique entre Japon et Californie. Durée : 4 mois et demi. Vous imaginez, la solitude, les efforts, les risques, les coups de cafard, les tempêtes, les retournements, la fatigue extrême, mais la volonté surtout... Non, c'est inimaginable!
Le dernier connu en date, ou la dernière plutôt, était Maud Fontenoy. Elle a aussi traversé l'Atlantique nord à la rame, puis a été du Pérou aux Marquises. Il y en a eu d'autres, un peu moins célèbres.
C'est de l'aviron, on ne voit pas où on va!

Un jour les passionnés de la rame, pas du métro, ont organisé une course entre Dakar et la Guyane, mais à plusieurs sur le même bateau, une sorte de galère conviviale des temps modernes en quelque sorte.
Il n'y avait plus qu'à faire une course en solitaire. Voilà qui est fait, et bien fait puisque c'est la troisième.
Ils ont tous le même bateau, 8 m de long, 1,60 m de large, 450 kg à vide, le double une fois plein et prêt à partir. Ils sont partis fin janvier à 23, dont une femme. 6 abandons assez vite, suite à un coup de vent et quelques dégâts matériels.
Il faut savoir qu'ils ont un dessalinisateur qui marche avec un panneau solaire pour faire de l'eau douce. S'il tombe en panne, plus d'eau, et donc on appelle le bateau suiveur pour être récupéré.
Un bateau comme ça bouge énormément avec les vagues, car il n'a pas de quille pour lui donner un peu plus de stabilité. Donc mal de mer assuré et sommeil sans garantie. Cela peut se retourner aussi, mais normalement ça revient droit, enfin avec une autre vague... Sinon le rameur doit aider. Vous imaginez le bazar à l'intérieur après, plus l'humidité!
Ah oui, parce qu'il y a une cabine, une sorte de cercueil flottant! S'ils rencontrent une sirène, vaut mieux pas qu'elle fasse du stop! Quant à la cantine, c'est du lyophilisé. Je ne connais que de nom, mais il parait que c'est pas très fameux, voire plus pour certains.
A part ça, les ampoules aux mains, les crampes, le fait de ne jamais se lever, ou presque, l'humidité, se réveiller toutes les demi heures pour jeter un oeil alentour, la rencontre avec les cargos, les espadons, dauphins, ou plus gros parfois.
Il y en a même qui font ça pour la deuxième fois!
C'est quand même bas sur l'eau quand il y a un peu de mer!

Qu'est-ce qui fait que certains traversent un océan à la rame? C'est quand même du 8 à 10 H par jour en moyenne, sur deux mois environ. Il faut un sacré mental. Mais quelle est la motivation profonde? Je ne sais pas. La passion sans doute, le gout de l'aventure extrême, le fait de ne compter que sur soi même, vouloir se surpasser, se poser un défi ... Tout ça à la fois sans doute, et peut être autre chose... Ce ne sont pas des tout jeunes, le doyen a 59 ans. Un peu comme les marathons, là c'est plutôt une drôle de mare à thons!
Les premiers ont fait plus de la moitié, donc ils ne s'éloignent plus de la terre, ils s'en approchent.
Je suis sur qu'une fois arrivé, et même longtemps après, ils vont regretter ces moments, difficiles, très durs, mais dont ils garderont le meilleur, comme une parenthèse extraordinaire dans leur vie.

Si vous êtes curieux, allez voir le site http://ramesguyane.com/

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Merci Yannick pour ces deux posts.
Un jour, je ne sais plus comment c'est venu, j'ai senti vraiment combien, à mes yeux, ces traversées des mers et des océans sont des actes extraordinaires. Et j'ai aussi eu la sensation de peur à m'imaginer au milieu des flots, avec ce monde immense et inconnu en dessous et tout autour.