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mercredi 14 septembre 2011

Aiguebelle

Le lendemain je me rendais à l'abbaye cistercienne d'Aiguebelle.
J'y découvre une salle en hommage aux sept moines de Tibhirine assassinés dans leur prieuré en 1996. L'ambiance est tout à fait religieuse, dans le sens où l'on se sent en intimité avec ce qui s'est passé, avec ces moines qui ont choisi finalement de rester alors qu'ils en connaissaient les risques.

Deux d'entre eux étaient passés par Aiguebelle :


Le frère Luc Dochier, surnommé le toubib, qui partit soigner les prisonniers de guerre en Allemagne pendant la seconde guerre mondiale et se constitua lui même prisonnier à la place d'un père de famille. Il soignait tout le monde en Algérie, quelle que soit sa religion ou sa tendance politique. Ainsi il était très apprécié des Algériens qui le considéraient comme un saint homme, un marabout. Marthe Robin, à qui il rendit visite, lui prédit qu'il ne manquerait jamais de médicaments, ce qui fut le cas.

Le frère Christian de Chergé, qui devint le prieur de la communauté, parlait arabe et favorisa le dialogue islamo-chrétien. Il travaillera sur le Coran, le nom d'Allah et le Dhikr. Je ne savais pas que j'allais en vivre un le soir même!
On découvre ce témoignage :

Il revient en Algérie en 1959 comme jeune officier, et il se souviendra toujours d’avoir eu la vie sauve au cours d’une embuscade grâce à un Algérien qui risqua sa vie pour le sauver : Mohamed, un musulman garde champêtre algérien, père de dix enfants. À Christian qui lui avait promis de prier pour lui, Mohamed avait répondu : « Je sais que tu prieras pour moi. Mais vois-tu, les chrétiens ne savent pas prier ! » Lors d’une altercation dans la rue, Mohamed va protéger Christian de la mort. Or, le lendemain matin, Mohamed est retrouvé assassiné. Christian n'oubliera jamais son ami, sa vie entière en sera bouleversée :
« Dans le sang de cet ami, j’ai su que mon appel à suivre le Christ devrait trouver à se vivre, tôt ou tard, dans le pays même où m’avait été donné le gage de l’amour le plus grand. »


Il pressent son enlèvement et écrit ce texte envoyé à sa famille :  "Quand un A - Dieu s'envisage."


« S’il m’arrivait un jour - et ça pourrait être aujourd’hui - d’être victime du terrorisme qui semble vouloir englober maintenant tous les étrangers vivant en Algérie, j’aimerais que ma communauté, mon Église, ma famille, se souviennent que ma vie était DONNÉE à Dieu et à ce pays [...] Et toi aussi, l’ami de la dernière minute, qui n’auras pas su ce que tu faisais, oui, pour toi aussi je le veux, ce MERCI, et cet « A-DIEU » envisagé pour toi. Et qu’il nous soit donné de nous retrouver, larrons heureux, en paradis, s’il plaît à Dieu, notre Père à tous deux. »

Je reste assez longtemps dans cette salle, comme une chapelle ardente, exposant des photos, des textes, des sculptures. Je me sens comme une miette...

1 commentaire:

sevim a dit…

C'est fort..