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jeudi 28 juillet 2011

Les deux amis

Isabelle leur proposa ensuite d'écrire sur une feuille ce qu'ils avaient cru être et qui avait définitivement disparu, ce pour qui il s'était pris et qui au fil du temps avait aussi disparu.
-" Si vous n'arrivez pas à répondre à la question "qui suis-je?", regardez alors ce que vous n'êtes pas, ce pour quoi vous vous prenez peut être et qui après réflexion n'est peut être pas vraiement ça. Cela peut être maintenant, pas uniquement par rapport au passé. Là encore le but n'est pas d'aligner des réponses, mais de vraiment sentir que la réponse que vous pouvez écrire est la bonne. C'est un exercice entre vous et vous. Il n'y a pas de meilleure réponse ni de récompense. La meilleure réponse c'est cette rencontre avec vous même, et ce qu'elle deviendra... Continuez à être vers le mur, ne vous regardez pas les uns les autres, cela ne serait pas une aide."

"Ouah!" se dit Philippe, sentant bien que l'on n'était pas là pour se distraire ou nourrir la curiosité avide de tout ce qui est neuf et bouge.
Qu'est-ce que je ne suis pas? Ai-je seulement une idée de ce que je suis et de ce que je ne suis pas? Il y a plein de tendances diverses en moi, c'est évident. Je vois bien que tout cela change aussi. Il se dit que depuis un moment ce qui dominait en lui était ce questionnement du sens à donner à la vie, à sa vie. Mais un élément dominant n'est pas la totalité. C'est une partie comme une autre. Y a t-il une partie de nous même qui est plus importante que d'autres? Quand je ne me pose pas de question, qu'est-ce qui se passe?
Au fur et à mesure que Philippe se posait ces questions il réalisa que si une question ou un questionnement dominait, il y avait plein de moments où il pensait à autre chose, et aussi plein de moments où il ne se rendait même pas compte qu'il pensait.
Le temps lui semblait plein, en ce moment, parce qu'il avait conscience de ce à quoi il pensait, ou presque, depuis le début du stage. "Mais si je vois mes pensées clairement, suis-je le même quand je les vois et quand je ne les vois pas?" Il se dit finalement qu'il allait écrire ça, que c'était ce qui lui semblait le plus près de ce qu'il ressentait, qu'il ne savait pas qui il était, ni qui il n'était pas, à ce stade. Que lorsqu'il se posait ce genre de question, il n'était pas Philippe en tant qu'étudiant ou ayant tel parent ou tel âge, mais il était une question...

Certains avaient écrit sur toute la page, d'autres très peu... Ainsi va la vie, dans sa différence permanente.
Les papiers furent ramassés. Tout le monde se retourna. Les regards avaient changé. Plus de profondeur, plus de lenteur, sans doute plus d'interrogation aussi.

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