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jeudi 16 décembre 2010

Iles ou Ailes

Il y a toujours un moment dans la vie où quelque chose se passe qui va changer le cours. Parfois brutalement, parfois en douceur. Un de ces virages auquel on ne s'attend pas, mais qui annonce le plus jamais comme avant. Non pas que la vie fut plate jusqu'ici, non, mais un nouveau départ, une nouvelle donne. C'est une donne qui va nous prendre en réalité...

Un matin, à la caisse du magasin où ils avaient l'habitude de faire leurs courses, elle se mit à tousser. En quelques secondes la toux s'amplifia comme si elle allait lui emporter la gorge. Les gens alentour, se tournèrent petit à petit vers ce qui venait perturber leur attente endormie ou impatiente, avant que de comprendre qu'elle n'y pouvait mais, et d'avoir des pensées compatissantes.
Une fois rentrés, ils appelèrent le médecin en urgence, qui conseilla de faire des analyses. Trois jours plus tard, les résultats tombèrent : c'était grave. Ils comprirent que c'était leur dernier hiver ensemble, peut être même pas de printemps...

Assis auprès du feu, ils écoutaient en silence le crépitement. Un feu réunit étrangement. C'est une présence vivante, comme le courant de l'eau, comme le mouvement des vagues, comme les nuages dans le ciel. C'est l'incessant vivant qui nous absorbe de par sa force mystérieuse et rassurante. Leurs yeux regardaient les flammes.
- Philippe, dit-elle, que pourrais-je te donner que je ne t'ai pas encore donné?
Il lui serra encore plus fort sa main dans la sienne. Il n'avait besoin de rien de plus. Il s'était senti comblé avec elle, comme il n'aurait même pas pu l'imaginer avant. Ils partageaient tout en se laissant libres. Les demandes s'étaient tues.
- Tu sais bien que je ne désire rien de plus que ce que tu es.
- C'est moi qui ai une demande.
- Oui, dis moi.
- Tu te souviens de notre mariage, on n'a pas pu partir en voyage de noces.
- Oh oui, on n'avait tellement pas le sou. Nous avions dormi sur la plage le soir après que nos amis soient partis, l'un contre l'autre. On s'était réveillé en pleine nuit pour rentrer chez nous vers 3 ou 4 heures du matin. Et on s'était dit que l'on partirait un jour tous les deux.
- Oui, on est parti, mais deux ans après! Puisque je n'ai pas eu de vrai voyage de noces, je voudrais un voyage d'adieu, un dernier voyage tous les deux, le tout premier de la dernière fois.
Les larmes lui montèrent aux yeux. Il l'aimait pour ça, pour sa manière de dire ses pensées les plus folles, pour oser jusqu'au bout l'impensable, pour défier le raisonnable, tangenter l'étonnant.
- Tu es incroyable, mais je te suis, tu sais bien.
Elle se resserra contre lui. Elle sentait qu'elle voulait vivre jusqu'au bout ce qui les avait unis. Pas le plus longtemps possible, mais le plus fort possible ce qui se présentait. Peu importe la mort quand il s'agit d'abord de vivre. Ils seraient vraiment ensemble quoiqu'il arrive...

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