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samedi 3 mai 2008

Vers Anandashram

Je relis mes carnets de voyage...

Je suis arrivé à l'ashram de Ramdas après 5 jours de voyage en train depuis Delhi.
Au début je me suis fait embobiner par un indien qui voulait m'accompagner à l'ashram de Saï Baba. Je lui paye la place bien sur, puis on se perd (bien sur aussi), et je me retrouve tout seul à chercher le bon train pour Madras. Je monte sans billet. Je me fais jeter par le controleur à Agra. Je passe quelques heures à dormir sur des ballots dans la gare, me réveillant à chaque train, avant de trouver le bon. Je traverse l'Inde, me rafraichissant et me nourrissant au fil des arrêts, passant la nuit par terre, où c'est assez sâle, devenant sâle moi même.
J'en arrive à passer deux jours entiers dans le silence, sans impatience. Je regarde, je ne fais que regarder et lire. Je prie un peu.
Madras - 9 H du soir! La chaleur, la foule partout, allongée, debout, accroupie.
Un train pour Bangalore dans une heure. Parfait. Mais il est comble, archi comble, et une chaleur moite s'en dégage. Berk! Je prendrais celui du matin à 6 H. Je vais boire, et m'endors sur un banc. O nuits courtes mais merveilleuses, où la fatigue vous fait trouver le moindre repos inconfortable comme un délice rare dans lequel je sombre...
Je vais passer une autre journée dans un train qui s'avère être un omnibus : 25 km/H de moyenne.
Je ne dis rien. Je regarde, la vie, les paysages. Je sens une patience et une indifférence monter en moi comme jamais. Je suis en Inde, à la période la plus chaude, dans le sud, et j'attends. Autant accepter.
Et ainsi pendant encore deux autres jours, entre la recherche d'hôtel à 11 H du soir, voulant éviter les arnaques, et cherchant les moins chers vu mon peu d'argent (et je vais passer plus d'une heure avant d'en trouver un dans un quartier pauvre), les moments où je me perds, les bus que je vais rater, les trains qui ont du retard...
Plus le voyage dure, plus l'allure se ralentit!
Après toutes ces péripéties (dont je passe les détails), je découvre que j'ai fait le chemin le plus long pour venir ici, que j'aurais du passer par Bombay! Plus de cinq jours de voyage. Mais il fallait le faire...
Tout cela pour user le mental, pour me faire découvrir cette patience, cette non attente; et maintenant, après 10 jours à l'ashram de Beloved Papa, ce silence que je sens au fond de moi.
On n'a rien sans efforts, et sans abandon. (Je rectifie : le silence ou l'abandon ne sont pas quelque chose que l'on a, que l'on obtient, mais qui arrivent; c'est de l'ordre de l'effacement, de l'être.)

Relisant tout cela, avec les sensations et les souvenirs qui remontent, je fais un rapprochement avec l'ambiance à Ranchi. La règle, avec Daniel, était : ne pas parler, ne pas lire, ne pas trop dormir. En bref, juste être avec soi même. Pas évident du tout quand le mental est habitué à plein de distractions, pour éviter justement cette rencontre indispensable.
On peut rester auprès d'un sage deux, trois, quatre heures par jour, et s'embêter entre temps (quand ce n'est pas pendant). Alors on va lire, travailler, parler...
Mais ne rien faire n'est pas évident. C'est l'apprentissage d'une certaine immobilité.
Quelques jours plus tard j'allais découvrir ces paroles de Ramdas :

"Avoid seeing too much, hearing too much, eating too much, working too much, talking too much, sleeping too much. You should be moderate in all things. Then so much of energy is conserved, and that will help you in meditation. Moderation is yoga. Equality is attained through moderation."

8 commentaires:

Daniel a dit…

Nécessaire rappel. Merci Yannick!

Anonyme a dit…

Merci Yannick, c'est beau de pouvoir lire, découvrir ces expériences passées, si intéressante et fortes.

Anonyme a dit…

C'est un des cadeaux de ce dimanche
Merci Yannick

Anonyme a dit…

Merci Yannick pour ce partage très vivant.
"Quand on veut manger du chocolat , on peut manger toute la plaquette , mais on laisse un carré pour la dignité", disait aussi Daniel...
Le genre de parole qui marque...
Sylvie

fishfish a dit…

Merci Yannick , beau cadeau!

philippe a dit…

C'est fort,cela frappe en plein ds le mille!!
Merci Yannick.

Anonyme a dit…

Un petit livre intensément lyrique, pas vraiment un récit, mais une "odeur" respirée au cours d'errances nocturnes. L'auteur est PASOLINI (Pier Paolo) qui fit un voyage en Inde en 1961 avec Alberto MORAVIA et Elsa MORANTE.
le titre est : "l'Odeur de l'Inde" (chez FOLIO).

Merci Yannick pour ton récit dans ce pays fascinant.

Madeleine

Jean a dit…

".... le silence ou l'abandon ne sont pas quelque chose que l'on a, que l'on obtient, mais qui arrivent; c'est de l'ordre de l'effacement, de l'être.)...."

Oui , mais je suis convaincu qu'il faut également , en plus , l'intervention de la Grâce !
Et la Grâce intervient quand elle veut .
Elle n'est pas directement proportionnelle à nos efforts , à notre silence , à notre abandon .